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TSIGANES les éternels «fils du vent»

Bureaux et diffusion : LE CERCLE D 'OR

3, quai Rousseau-Méchin 85100 Les Sables d 'Olonne

Tél. : 51 95.70.41 / 95.24.83 Paris) S.F.L. - (Nantes) CODIL - (Lyon) C.D.L.

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Du même auteur

«CORSE, TERRE DE LIBERTÉ», Préface de Mgr Jean-Claude Thomas, évêque de l'Eglise de Corse ; dessins ; Le Cercle d'or, 1979.

L'illustration de l'ouvrage est due aux dessins de Paul Jacqueson dit «Caillou».

Ce nom de «Caillou» a une histoire. L'artiste a eu l'idée de ramasser des cailloux le long des chemins, pour y peindre les instants de sa vie de nomade. Mais pourquoi des cailloux ? Eh bien, tout simplement parce qu'il ne pouvait acheter du papier à dessin. Alors, selon leur forme, il décore les pierres en laissant ses pinceaux aller au gré de son imagination. Il peint des scènes où la joie est au rendez-vous ; mais aussi des scènes un peu tristes quand il rencontre la malveillance des hommes. C'est un solitaire, un amou- reux de la nature. Vous le rencontrerez à tous les pélerinages. Sur un bord de trottoir, il vous offira pour une somme modique ses états d'âmes de «fils du vent».

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Marie-Jane Natali-Listera

TSIGANES les éternels «fils du vent»

Témoignage Dessins de Caillou

des Saintes-Maries à la Jaunaie par les chemins du monde

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Le présent livre a fait l'objet d'une édition originale

hors commerce tirée sur papier couché classique

à 40 exemplaires réservés à l 'auteur

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les «copies ou reproductions strictement réservés à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective» et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, «toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» (alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

© Éditions le Cercle d'Or, 1984. I.S.B.N. 2-7 188-0135.2

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REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ma reconnaissance

- pour les entretiens si enrichissants que j'ai eus avec le Père Barthélémy et Monsieur François de Vaux de Foletier,

- pour les longues et amicales lettres de Romano,

- pour les poèmes de Viv'na, - pour les dessins de Caillou.

Il va de soi, cependant, que ce livre n'engage que son auteur.

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INTRODUCTION

François de Vaux de Foletier, au teur du livre «Les tsiga- nes dans l'ancienne France», écrit dans son avant-propos :

« Il peut même sembler étrange de vouloir écrire l 'histoire d'un groupe humain qui n' intervient aucunement dans la po- litique des nations, qui ne se soucie guère du passé (sinon du culte des morts), qui n'a pas d'archives, qui, dans sa grande majorité, ne sait ni lire ni écrire, qui ne bâtit aucun monu- ment, et qui n'a d'autres demeures que des cabanes, des roulot- tes ou des tentes. Ses chansons, sa musique, ses danses, l'éclat de ses oripeaux, ce sont là formes d 'ar t qui ne laissent presque jamais aucune trace...»

En juin de l'année 1980, j 'eus l 'honneur d'être reçu pa r M. François de Vaux de Foletier. Son accueil chaleureux facili- ta notre premier contact. Sa grande courtoisie alliée à sa mo- destie touchèrent ma sensibilité. J'avais devant moi un grand monsieur, cette sorte d'homme que l'on éprouve une certaine fierté à rencontrer.

Notre entretien ? un enchantement, hélas de trop courte durée.

Je serais restée des heures à l 'écouter me parler du monde tsigane.

J'appris de la bouche de mon interlocuteur qu'il fallait avoir de la méfiance envers certains auteurs dont les récits burlesques ne sont pas en faveur des tsiganes. Il me mit en garde contre les mystificateurs qui vont çà et là glaner leurs informations auprès des familles qui aiment à raconter des ré- cits fabuleux, entretenant ainsi au tour de leur race un certain mystère.

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Après notre conversation, il avait fait naître en moi un grand désir, celui de mieux connaître les gens du voyage.

Avant de me lancer dans un dédale de recherches, je relus attentivement une page de l'avant-propos d'un des ouvrages de mon interlocuteur :

«Le monde tsigane exerce une étrange fascination, et ne lâche plus ceux qui ont commencé à s'intéresser à ce que les tsiganologues britanniques appellent les «affaires d'Egyp- te»... »

Monsieur de Vaux de Foletier, si j'ai moi aussi éprouvé cette «étrange fascination», c'est grâce à vos écrits. Les tsiga- nes qui, jadis, parcouraient le monde, me sont maintenant moins étrangers. Vous m'avez aidé à trouver le fil conducteur qui me mènera jusqu'aux tsiganes qui, en 1985, essaient de survivre parmi ceux qui les rejettent. (1) P.9 Mille ans d'histoire des tsiganes.

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Ceux que l'on appelait «Romanichels»

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Beaucoup d'entre nous ont encore en mémoire quelques sou- venirs du passage des romanichels qui naguère stationnaient dans nos villages ou à l'entrée des villes. Cependant, il faut admettre que depuis une quarantaine d'années, ces souvenirs se sont un peu estompés. Une guerre, quelques manifestations syndicales, une mini-révolution et quelques petites «chienlits» de temps à autre, ont suffi à occuper les esprits. Les romani- chels des années 30, comme ceux d'aujourd'hui, qui s'en préoc- cupe ? L'audiovisuel nous apportant chaque jour des informa- tions de plus en plus variées du monde entier, nous fait oublier qu'il existe encore des «gens du voyage» - des «gens» qui luttent de toutes leurs forces pour sauvegarder leur liberté. Pourquoi veut-on à tout prix infliger la sédentarisation à ceux qui la re- fusent ou ne s'y habituent qu'au prix de cruelles difficultés ? Voilà bien un phénomène de notre société qui veut coûte que coûte avoir en son sein des hommes et des femmes au compor- tement stéréotypé, en quelque sorte les engluer dans un systè- me inadapté à leurs aspirations ? Ces dernières, je les ai décou- vertes en lisant certains ouvrages. Tout au long de leurs pages j'ai suivi ces tsiganes, divers dans leurs comportements et leurs façons de vivre, si attachants, parfois redoutables. J'ai parcou- ru avec eux les villes et les villages qu'ils ont sillonnés durant des siècles.

Mais aujourd'hui, que sont-ils devenus ? les souvenirs qu'ils ont laissés de leurs passages se sont évanouis. Bientôt il ne res- tera plus personne pour conter les feux de camps ou le défilé des roulottes s'éloignant cahin-caha sur les chemins de pierres. Oui, ces scènes donnaient un certain charme à nos campagnes.

Au seuil de l'an 2000, tout ce petit monde est en voie de dis- parition. Pour nous en parler, il nous reste heureusement des tsiganologues. Grâce à quelques archives, aux rapports de po- lice, aux livrets anthropométriques, ils nous font redécouvrir ces tsiganes qui, à partir de l'An Mil, ont quitté l'Inde pour émigrer vers l'Ouest.

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Le début du siècle n'est pas si lointain et en se référant aux archivistes et aux historiens, nous pouvons encore faire appel à nos mémoires, ou à celles de nos grands-pères ou grands- mères. Mais il faut faire vite, très vite, car ils sont de moins en moins nombreux. Pour ceux qui attachent un certain intérêt pour tous les gens du voyage, quelle joie de pouvoir écouter ceux qui ont vu et se souviennent !

Ces souvenirs sont d'autant plus intéressants qu'ils ne figu- rent dans aucunes archives, communales ou nationales.

Les travaux des éminents archivistes qui se sont penchés sur le peuple tsigane sont certes remarquables. Les tsiganologues ont écrit des ouvrages indispensables en ce qui concerne les sta- tistiques, les origines et la migration de ce peuple.

Par contre, peu d'auteurs nous font pénétrer dans la vie quo- tidienne de ce petit monde itinérant, de toute évidence en mar- ge de notre société.

Eh oui! certains diront : «Pourquoi s'intéresser à cette sorte d'individus ?»

Parfois même ces personnes, confortablement installées dans l'aisance, ou plus simplement racistes, sont choqués de l'inté- rêt que l'on porte justement à ces gens qu'ils qualifient d'«indé- sirables».

Mais savent-ils, eux qui ont aliéné leur bonheur au profit d'une vie fondée sur les plaisirs et les revendications, qu'il existe des êtres trouvant leur bonheur dans la liberté ? Il ne nous appar- tient pas de juger la façon de concevoir le bonheur de nos frères nomades. Ils la paient parfois fort cher. Réjouissons-nous que la France soit encore un des rares pays où nous sommes libres de vivre comme bon nous semble, dans la mesure où l'ordre n'est point troublé.

France, terre d'asile... Quel exemple pour les pays aux fron- tières hermétiques !

Une des raisons qui ont motivé mon intérêt pour les gens du voyage, c'est l'angoisse ressentie, un jour, au creux de l'esto- mac, en observant une fillette assise dans le jardin du Luxem- bourg. Présence insolite, au milieu des promeneurs insouciants,

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de cette enfant qui n'accrochait pas les regards : on s'en détour- nait plutôt, comme si le diable allait jaillir du fond de ses pru- nelles. Je ralentis la marche. Elle m'attirait, moi, cette petite. Et comme si une force mystérieuse avait retenu mes pas, mes jam- bes refusaient d'aller plus loin. Par bonheur, dans le jardin du Luxembourg, comme dans la plupart des squares, il y a toujours des sièges disséminés çà et là pour vous permettre un peu de re- pos. L'un deux se libéra tout près de moi, et je pus de cette place regarder tout à mon aise la fillette aux pieds nus. Quelle drôle de petite fille ! Son visage d'un ovale parfait avait l'éclat d'un biscuit doré à point. Mais le plus frappant, c'était ses yeux. Des yeux immenses. Ils ressemblaient à deux lacs couleur fleur de pervenche où se promenaient deux iris aussi foncés qu'une nuit sans lune. Sa chevelure embroussaillée laissait échapper de lon- gues mèches d'un noir si luisant que l 'on aurait pu les croire en- duites de cirage et frottées jusqu'à obtenir cet effet de miroir. Des oripeaux, bariolés, grossièrement rapiécés, trop larges pour ce corps juvénile, laissaient voir ses épaules à moitié nues. Cette fillette m'en rappelait une autre. Mais voilà, j'avais beau me concentrer, je n'arrivais pas à reconstituer les traits du portrait original qui hantait ma mémoire ; pas plus d'ailleurs que le lieu et les circonstances où nous aurions été mis en présence. Le so- sie du Luxembourg m'obligeait à réfléchir. Et peu à peu le brouillard qui recouvrait mes pensées se dissipa. J'avais trouvé : il m'avait suffi de remonter le temps jusqu'aux jours de ma pre- mière enfance... Je fermai les yeux l'espace d'un instant pour voir plus clairement les images estompées d'un souvenir qui de- venait réalité en s'incarnant dans la fillette aux pieds nus assise devant moi sur la chaise.

J'ouvris les yeux pour la regarder à nouveau, elle avait dispa- ru. Alors, à sa place, je revis une prairie et une fillette identique.

Prisonnière de mes souvenirs, j'avais oublié le va-et-vient des promeneurs.

Les yeux rivés sur la chaise vide, c'était un peu comme si mon esprit s'était mué en un vaste écran de projection. Les images défilaient à reculons à un rythme si accéléré que j'étais déjà re- tournée au printemps de l'année 1925.

Plus d'un demi-siècle ! Pas étonnant qu'il y ait eu un peu de brume sur mes souvenirs. Mais maintenant, je me souvenais.